Souvent négligé et mis de côté, le plancton a été, pendant longtemps, le grand oublié des océans. Sa taille microscopique et son intérêt tout relatif de prime abord n’ont pas fait de lui le personnage principal des études scientifiques. Aux yeux du grand public, sa petite notoriété se résume généralement à un dessin animé de seconde zone, d’une éponge et d’un ananas sous la mer.
Pourtant, il s’avère que le plancton joue un rôle crucial dans la santé et l’équilibre des écosystèmes marins. Malgré sa discrétion et son apparence presque invisible, il est essentiel à la survie de nombreuses espèces marines et exerce une influence souvent méconnue sur le climat. Il est grand temps de découvrir les incroyables performances de ce personnage secondaire qui mériterait bien un Oscar !
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Ne pas mettre tous les planctons dans le même panier
Même si sa traduction du grec ancien peut être assimilée à « errant » et « instable », ces organismes ne sont pas seulement une masse inconnue et flottante. Le plancton peut être divisé en deux catégories : le phytoplancton et le zooplancton. Le phytoplancton est végétal composé d‘algues microscopiques et utilise la photosynthèse pour produire sa propre nourriture. À l’inverse, le zooplancton est composé d’organismes animaux se nourrissant principalement de phytoplancton. Les repas de famille doivent être cocasses !
Qu’ils soient d’origine animale ou végétale, ils occupent tous deux une place de choix dans la chaîne alimentaire marine. Le phytoplancton constitue le premier maillon de cette dernière, en fournissant de la nourriture pour le zooplancton et d’autres organismes marins. Son homologue animal occupe la seconde place du classement comme intermédiaire entre le phytoplancton et les petits prédateurs. Vous l’aurez donc compris, pas de plancton, pas de nourriture, pas de nourriture… Pas de nourriture.
Mais son rôle ne s’arrête pas là. Le plancton met aussi son grain de sel dans le cycle du carbone. Grâce à la photosynthèse qu’il produit, le phytoplancton capte une grande quantité de dioxyde de carbone. Une fois consommé par le zooplancton et d’autres organismes, le carbone circule dans les écosystèmes marins contribuant ainsi à la séquestration de ce dernier. Véritables poumons, ils participent largement à l’absorption du CO2 dans notre atmosphère : la forêt amazonienne n’a qu’à bien se tenir !
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Petit mais puissant
Avec l’évolution de la biologie marine, les scientifiques se sont penchés d’un peu plus près sur le rôle de ces micro-organismes. Au départ, les recherches réalisées se focalisaient principalement sur l’effet des planctons dans la fluctuation de la pêche. À partir des années 70, les scientifiques ont sorti leur loupe pour s’intéresser à leur variété et à leurs impacts à l’échelle de la planète.
Entre 2009 et 2013, s’est déroulée l’expédition « Tara Ocean » qui a permis de réaliser des prélèvements et des analyses génétiques de ces organismes. Ces trois années d’exploration auront permis de cartographier précisément leur présence et de mettre en évidence un nombre insoupçonné d’espèces. Les données scientifiques récoltées sont un trésor pour les scientifiques afin de mieux comprendre son rôle écologique et son évolution face au changement climatique.
La Nouvelle-Calédonie n’est pas en reste sur les recherches menées autour de ces petites bêtes. En mars 2024, la bouée du projet HOPE a été mise à l’eau. Financé par la bourse européenne ERC Consolidator et dirigé par Sophie Bonnet, océanographe et directrice de recherche à l’IRD, ce projet vise à comprendre comment les océans tropicaux piègent le carbone. En effet, nos eaux abritent un type de plancton qui fertilise l’océan, stimulant ainsi l’écosystème marin et la capture de CO2. Pour tenter de comprendre les tenants et les aboutissants de ce mécanisme, la bouée va mesurer la variabilité de la biodiversité du plancton, les flux de carbone associés et les courants, à la surface et au fond de l’océan. Un travail en cours qui permettra d’ouvrir de nouvelles pistes de recherches autour des liens entre océan et climat.
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Faites place !
Passant presque inaperçu, l’influence du plancton dans la chaîne alimentaire et sur le climat est tout aussi importante que discrète. Malheureusement, le réchauffement climatique perturbe leur répartition dans les océans et modifie la composition de ces organismes. Pourtant, son rôle au sein l’écosystème marin et dans le cycle du carbone est loin d’être secondaire et les conséquences son évolution, dans les années à venir, ne sont pas à prendre à la légère. Alors déroulons le tapis rouge et faisons de la place pour le plancton !
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