« En voiture Simone » ! Cette expression est aussi enthousiaste que notre rencontre du jour, Simone Buama. Et, une fois n’est pas coutume pour la Calédonie, ce n’est pas dans un pick-up mais à bord du Betico que nous embarquons aujourd’hui pour suivre l’aventure de Simone.
De Maré à Nouméa, en passant par les Philippines, Simone s’est confiée, non sans émotion, sur son parcours de vie. D’hôtesse de ferry à responsable clientèle chez Sudîles, Simone nous emmène dans les tourbillons de sa vie, dans laquelle ses enfants représentent son plus grand et beau trésor. De mer agitée à mer calme, le parcours de Simone nous rappelle cette citation : « puisqu’on ne peut changer la direction du vent, il faut apprendre à orienter les voiles ». Proverbe de vieux loup de mer ? Pas du tout, mais qu’importe moussaillon ! On met les voiles !
__
Embarquement immédiat…
C’est à 20 ans à peine que Simone devient hôtesse sur un ferry, bien avant que le Betico ne prenne du service. Originaire de Maré, Simone a grandi dans sa tribu, auprès de la famille, participant aux tâches quotidiennes qui lui incombent : désherber ou nettoyer les champs des grands-mères ainsi que les aider à la case. Mais ce qu’elle aime par-dessous tout, c’est être dans l’eau et pêcher ! Pourtant, en devenant maman, le vent la pousse à quitter ce cadre idyllique pour subvenir aux besoins de sa fille.
Les amarres sont lâchées ! En 1992, Simone embarque à bord du « Président Yeiwéné Yeiwéné », le bateau de traversée vers les îles, en tant qu’hôtesse remplaçante et effectue une formation directement sur le navire. Les traversées s’enchaînent mais elle retourne souvent à Maré pour passer du temps avec sa fille qui est demeurée sur l’île. À cette époque-là, Simone vit seule à Nouméa, dans un appartement qu’un ami de son père lui a trouvé. C’est un sacré changement pour elle qui a l’habitude de vivre en communauté au plus proche d’une luxuriante nature…
C’est un roc : Simone garde le cap ! Sur le bateau, tout se passe bien. Les commandants lui font confiance tant et si bien qu’elle ne s’occupe que des quatre membres galonnés de l’équipage installés dans leur carré privatif. En 1999, quand le Betico 1 remplace les anciens bateaux, la compagnie Sudîles rempile avec le même personnel. Simone est la plus ancienne et son contrat est reconduit au sein de l’entreprise. Avec les autres hôtesses, elle s’occupe de la vente des tickets, accueille les passagers et participe à l’entretient intérieur du navire entre deux traversées.
« Ce que je retiens de tous ces voyages, c’est qu’il faut être à l’écoute et comprendre son prochain. Il faut être humble au travail et avec les gens. On avance quand confiance est là. Je suis là pour les clients, mes soucis n’ont pas de place à bord. C’est important pour moi d’être dévouée à eux et à mon travail ! »
Simone, humaniste et généreuse.
__
Arrivée à bon port !
Simone a donc le pied marin : « Je dois tenir ça de mon grand-père… Il était capitaine de navire ! ». Yeiwene, Marie-Hélène, Betico 1, Betico 2, et toujours les mêmes missions auprès des clients. Le petit bonus, c’est ce voyage aux Philippines en 2009 pour la mise à l’eau du Betico 2. Choisie pour accompagner les coutumiers et l’ancien Président de la Province Sud, Philippe Gomez, la voilà voguant vers de nouvelles contrées, cette fois par avion. Là-bas, elle découvre une nouvelle terre, de nouvelles populations et d’autres modes de vie. Une expérience gravée dans sa mémoire qui lui remémore les beautés de son île natale. Puis, les traversées reprennent de plus belle : Maré lui permet de se ressourcer et de partager valeurs, traditions et coutumes qui lui tiennent tant à cœur, avec sa famille et ses deux enfants.
Néanmoins, une longue maladie l’empêche de travailler de 2013 à 2016. À la fin de sa convalescence, l’amarrage à quai est forcé : Simone reprend l’activité à terre. L’antre du Betico 2 devra se passer de sa doyenne pendant les traversées. Durant six mois, elle est hôtesse à la billetterie dans la gare maritime. C’est sans compter l’appel d’offre pour le service commercial qui lui fait envisager d’autres horizons. Ses enfants ont grandi, ils vivent désormais avec elle ; dans ce contexte, rester accostée est un atout pour passer du temps avec eux. Sa soif d’apprendre lui souffle de postuler et une nouvelle aventure débute…
En effet, l’équipage du service client s’agrandit et compte un nouveau moussaillon à son bord : Simone ! Accompagnée par ses deux responsables, Viviane et Stéphanie, elle devient assistante commerciale au sein de la compagnie Sudîles. Ses missions sont variées : c’est elle qui gère le Facebook du Betico, qui s’occupe des réservations de groupe de plus de 30 personnes, qui organise les comités d’entreprise et vous pouvez même l’avoir au téléphone si vous avez un problème de réservation en ligne.
« J’adore ce que je fais au service commercial. J’ai appris énormément et je continue d’en apprendre quotidiennement. Je suis très polyvalente dans mes missions grâce à mes deux responsables qui me font confiance. Les jours ne se ressemblent jamais et j’aime cet aspect-là ! »
Simone, apprentie enjouée et appliquée !
C’est officiel, elle est arrivée à bon port !
__
Prochaine escale ?
À partir de 2016, le voyage de Simone se poursuit sur des eaux plus calmes. Son travail la passionne et, malgré le fait qu’elle travaille quotidiennement dans des bureaux, son contact avec les clients reste régulier. En plus de se mettre au service des populations des îles et de la Grande Terre, elle s’occupe aussi de l’organisation d’évènement et de salons… Tout du moins, elle y participe. En 2020, elle devient l’égérie du salon « Idiles », la vitrine des Îles Loyauté. Qui n’a pas vu de photos de Simone à cette occasion, n’a pas bien prêté attention…
Égérie des îles, ce n’est pourtant pas sur les podiums qu’elle se sent le plus à l’aise mais bien dans l’eau. À Maré, le lagon est son jardin et elle y cultive sa passion pour la nage, la plongée et la pêche. C’est son passe-temps préféré. Et pas besoin d’être à Maré pour attendre de pêcher. À Nouville, les pieds dans l’eau, le chapeau vissé sur la tête et la canne-à-pêche dans les mains, elle attrape tout ce qu’elle peut. Il ne reste plus qu’à espérer que les prises soient belles et nombreuses pour que son fils, son « cuist’eau » attitré, puisse lui préparer son plat préféré : la salade de poisson cru.
Voilà 28 ans déjà qu’elle travaille, dont 21 années pour la même compagnie de transport maritime. Aujourd’hui, elle ressemble fort à un symbole de réussite au sein de l’entreprise mais aussi à la maison. En effet, en tant que mère célibataire, elle s’applique à être un modèle pour ses enfants et leur montrer que tout est possible. « Quand on veut, on peut ! Il faut commencer d’en bas et monter les marches petit à petit » : voilà son crédo. Et ça fonctionne ! Sa fille est en activité depuis plusieurs années et son fils est en voie d’y parvenir, avec les honneurs. Sorti majeur de sa promotion, il compte s’envoler vers la métropole pour terminer ses études. Ne serait-ce pas l’occasion pour Simone de quitter à nouveau sa terre natale ? Fort à parier que sa gentillesse naturelle et son humilité sauront, là-bas aussi, lui ouvrir les portes des cœurs : larguez les amarres !
__
