La Baie des Citrons, c’est un peu le paradis des baigneurs : eau cristalline, sable chaud et, bien sûr, des requins qui viennent jouer les intrus (naturels) dans ce décor de carte postale. Il y a plus d’un an maintenant, un filet anti-requins a fait son apparition, offrant une zone de baignade protégée de 10 hectares. Si certains y voient une bouée de sauvetage pour les Calédoniens et les touristes, d’autres s’inquiètent des dégâts qu’il pourrait causer sur la faune et la flore de la BD. Après un an de filet, l’heure de l’analyse a sonné : bonne ou fausse bonne idée ? Voyons ça de plus près, avec les avis des différentes parties prenantes pour démêler le vrai du faux.
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Sécuriser, préserver, dynamiser
Depuis l‘installation en 2023 du filet anti-requins à la Baie des Citrons, mesurant 758 mètres de long et 280 mètres de large, les avis sur ce dispositif sont partagés. Pour de nombreux baigneurs qui y sont désormais habitués, il représente une avancée majeure pour la sécurité et offre une zone de baignade assez grande qui garantit une protection face aux risques liés aux requins. Certains soulignent même les bénéfices économiques, avec une fréquentation croissante de la zone, stimulant ainsi le tourisme local et soutenant les commerçants. Beaucoup se sont réjouis de la reprise de l’animation sur la plage, après une période difficile marquée par l’interdiction de baignade.
Sonia Lagarde, la Maire de Nouméa, a d’ailleurs longtemps insisté sur l’importance de ce filet en réponse aux malheureuses attaques. Depuis, la Ville de Nouméa a également fait installer une autre « barrière » au Château Royal, le spot où les accidents avaient principalement eu lieu. Des questions subsistent sur les conséquences à long terme du dispositif. Si certains habitants et visiteurs espèrent qu’il contribuera à rétablir l’équilibre entre la protection de la mer et les activités nautiques, la Ville de Nouméa assure que des mesures ont été prises pour limiter les impacts écologiques, notamment en excluant certaines zones protégées de l’aire de baignade.
La Ville de Nouméa, portée par la voix de Tatiana Tchong-Fat, rectifie d’ailleurs sur le terme employé de « filet anti-requins ».
« Je nuancerai, pour commencer, en indiquant qu’il s’agit d’une barrière anti-requins, car c’est précisément dans cette différence que la Ville a sélectionné un dispositif résistant et respectueux de l’environnement. » – Tatiana Tchong-Fat
L’objectif principal de la mise en place de ce système, dans le cadre du Plan de Réduction du Risque Requin (P3R) lancé dès 2019, était d’assurer la sécurité des baigneurs tout en préservant l’écosystème marin. Depuis son installation, la zone sécurisée de la Baie des Citrons est devenue très fréquentée. La plage est accessible et surveillée toute l’année et de nombreux usagers, qu’ils soient sportifs, nageurs du dimanche ou familles, s’y sentent désormais en sécurité.
Cependant, bien que cette nouvelle sécurité rassure une partie des baigneurs, d’autres restent prudents et rappellent qu’il ne protège pas contre tous les dangers marins. Comme l’indique Aline Guemas, l’une des « Fantastic Grandmothers« , ce filet ne fait pas barrière aux piqûres de poissons-pierres ou de rascasses qui, bien que moins médiatisées que les attaques de requins peuvent être extrêmement douloureuses, voir mortelles en cas de choc cardiaque. Aline souligne ainsi que ce filet rassure surtout parce que les baigneurs se concentrent uniquement sur le risque des requins et ignorent les autres menaces présentes dans l’eau.
Concernant l’impact environnemental, la Ville de Nouméa a mis en place un contrôle rigoureux. La barrière semi-rigide, perméable à la petite faune, a été choisie précisément pour minimiser l’impact sur l’écosystème. Un contrôle de la zone est effectué trois fois par jour par les nageurs-sauveteurs du poste de secours et mensuellement par un prestataire.
« Les services de secours de la Ville sont formés pour du prompt secours même pour des animaux marins et sont accompagnés par des experts, tels que l’Aquarium ou notre prestataire, pour adapter les protocoles autant que nécessaire. » – Tatiana Techong-Fat
Des panneaux d’information sensibilisent les usagers à la présence d’espèces marines sensibles telles que les tortues, les coraux ou encore les serpents, tout en rappelant l’importance de leur préservation. La qualité de l’eau, tant sur le plan microbiologique que physico-chimique, est également régulièrement suivie.
Des études d’évaluation de l’évolution du site (faune/flore) à court, moyen et long terme sont prévues annuellement. La Ville continue également à réfléchir à des dispositifs complémentaires, comme l’amélioration des alertes en cas de danger, et a ouvert un dispositif similaire à la plage du Château Royal à la fin de l’année 2024. Bien que certains défis persistent, la Ville considère que les objectifs sécuritaires ont été atteints. La fréquentation de la Baie des Citrons a effectivement évolué positivement et les usagers, qu’ils soient nageurs ou simples baigneurs, s’aventurent désormais plus loin, profitant pleinement de la zone sécurisée. Les efforts se poursuivent pour garantir une cohabitation harmonieuse entre la sécurité des baigneurs et la préservation des écosystèmes marins. Cependant, malgré les nombreux arguments en faveur du dispositif, des critiques s’élèvent et mettent en lumière les préoccupations environnementales.

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Sécurité VS nature
La barrière anti-requins, installée pour sécuriser les plages de Nouméa depuis plus d’un an, fait couler beaucoup d’encre et divise les habitants, même les plus fidèles du coin. D’un côté, certains le voient comme une avancée pour la sécurité des baigneurs. Mais de l’autre, des voix s’élèvent, notamment celles des « Fantastic Grandmothers« , un groupe de sept plongeuses de 60 à 75 ans qui, après avoir longuement étudié la biodiversité locale, s’étaient fermement opposées au projet. Elles regrettent de ne pas avoir été entendues par la Mairie de Nouméa et alertent sur les dangers potentiels pour l’écosystème marin.
Aline, l’une de ces grands-mères fantastiques et militante engagée, explique que la mise en place du filet a déjà eu des effets négatifs et que leurs impacts se multiplient. Ainsi, elle affirme qu’ « avant l’installation du filet, nous avions des jours avec de l’eau claire et d’autres où elle était un peu trouble. Aujourd’hui, c’est en permanence trouble« . Selon elle, cette turbidité constante résulte directement des mouvements du filet dans l’eau. Le sable, en s’accumulant sur les coraux, empêche leur croissance et leur accès à la lumière, mettant en danger la faune et la mégafaune nécessaires à leur entretien. Mais ce n’est pas tout, les conséquences vont au-delà de la biodiversité marine. Aline déplore également le manque de sensibilisation des baigneurs.
“La population touristique qui se sent en sécurité dans l’eau marche sans précaution sur les coraux. Mais ils ne peuvent pas savoir l’impact écologique car aucun visuel n’a été installé autour de la baie depuis l’installation du filet, malgré nos demandes répétées auprès de la Mairie. » – Aline
Elle ajoute que la diminution de la présence des serpents Emydocephalus annulatus est un signe que les populations de poissons sont de plus en plus faibles. Bien qu’elle observe encore des espèces fascinantes comme les hippocampes, Aline met en garde.
« Cette nature est très fragile. Si nous ne faisons rien, dans très peu de temps, nous ne pourrons plus rien observer ici. » – Aline

Les préoccupations environnementales des militants trouvent un écho auprès de l’association « Ensemble pour la planète » (EPLP), qui rappelle, que le commissaire-enquêteur avait émis un avis défavorable au projet, mettant en lumière les risques pour la faune et la flore marines, notamment le danger pour les récifs fragiles. Selon eux, le filet n’était pas la solution mais plutôt une gestion plus réfléchie des risques, avec une régulation des baignades et des mesures de surveillance adaptées, comme l’utilisation de drones.
De son côté, la municipalité défend cette barrière comme une réponse indispensable aux récentes attaques de requins, tout en assurant que des mesures ont été mises en place pour préserver l’écosystème marin. Cependant, le projet continue de diviser. Même parmi les partisans de la sécurité, certains estiment que l’impact environnemental n’a pas été assez pris en compte. Le débat est loin d’être tranché et la question de l’équilibre entre sécurité et préservation de la biodiversité continue de faire jaser…
Face aux préoccupations sur l’impact environnemental, certaines voix scientifiques s’élèvent pour proposer des alternatives afin de concilier sécurité et préservation de l’écosystème marin.


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Protéger sans nuire, c’est possible ?
Les « filets » anti-requins, c’est un peu le compromis entre sécurité pour les baigneurs et impact moins « cool » sur la biodiversité marine et les écosystèmes. Et c’est d’ailleurs ce qu’ont confirmé certaines études scientifiques.
Différentes organisations scientifiques du monde entier tentent de proposer des solutions alternatives pour protéger les nageurs sans nuire aux requins, ni aux autres créatures marines. Parmi ces solutions, la SharkSafe Barrier se distingue comme une innovation super écolo ! Innovante et plus respectueuse de l’environnement, elle protège les zones de baignade tout en préservant la biodiversité marine. Plutôt que de nuire aux requins et à leurs petits copains marins, cette technologie utilise une combinaison de stimuli visuels et de champs magnétiques pour les repousser. C’est un filet certes, mais assez fin pour permettre à toutes les autres espèces de passer tranquillement, sans capturer ni blesser celles qui ne sont pas visées. Cool, non ?
Sinon, nous avons trouvé une autre alternative, bien plus accessible à tous : le bracelet SharkBanz 2.0. Il fonctionne un peu comme la SharkSafe Barrier, en utilisant une technologique magnétique pour éloigner les requins de votre viande. Et il est dispo chez Marine Corail.
En parallèle, des études suggèrent que des stratégies non-létales, comme le renforcement des patrouilles sur les plages, l’utilisation de drones pour la surveillance et la sensibilisation du public, pourraient améliorer la sécurité des baigneurs tout en protégeant la faune marine. Win-win !

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Le verre moitié vide, moitié plein !
La Baie des Citrons sous « file »t, c’est un peu le casse-tête du compromis entre sécurité et respect de la nature. D’un côté, la barrière anti-requins rassure les baigneurs et relance l’animation touristique. De l’autre, il suscite de nombreuses inquiétudes sur ses conséquences écologiques à long terme. Entre sécurité prouvée et impacts en cours d’étude, la barrière soulève des débats et certaines contradictions. Néanmoins, une chose est sûre, on a encore de beaux moments à vivre dans cette baie paradisiaque… À condition de préserver ce qui la rend unique.
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