Alors que la Nouvelle-Calédonie connait des rebondissements judiciaires vis-à-vis du traitement des certaines espèces de requins, un rapport de la Communauté du Pacifique, co-écrit par Jed Macdonald et Lauriane Escalle, revient sur le lien entre humains et requins et la « Guerre froide » qui se joue actuellement.
Publié il y a quelques jours, ce rapport met en avant les défis qui découlent de ces interactions entre les deux espèces. En effet, alors que le lagon calédonien est une interface de rencontres et de confrontations, ce rapport tente d’offrir une vision au-delà des points de vue partisans…
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Étudier les rapports de force entre les deux puissants
Quand on parle de requin en Nouvelle-Calédonie, les visages ont tendance à se crisper. En effet, suite à plusieurs incidents sur le territoire, les autorités publiques ont pris des mesures qui semblent être remises en cause par bon nombre de citoyens tandis que pour d’autres, elles ne sont plus suffisantes. Ainsi, pour sortir d’un carcan d’opinions partiales – ou émotionnelles – et apporter des éclaircissements sur ces sujets, quelle meilleure arme que la science ? Dans ce cadre, deux chercheurs, Jed Macdonald et Lauriane Escalle, se sont penchés sur l’évolution de ce rapport complexe entre l’humain et le requin.
En effet, les interactions entre l’homme et les squales entraînent des incidents – parfois – négatifs, mettant en danger la vie humaine, tout en suscitant des réactions souvent basées sur la peur et les préjugés envers ces animaux marins. Aussi, l’objectif principal de cette étude est de dresser un panorama des stratégies actuelles de gestion des risques associés aux requins, dans le but de promouvoir une coexistence harmonieuse entre les deux « Grands ».
De ce fait, cette « discussion » est un appel à la réflexion et expose les nombreux défis à faire coexister ensemble : le respect des aspects culturels liés à ces prédateurs marins, leur nécessaire préservation comme maillon essentiel à la survie de notre biodiversité marine sans oublier d’exposer les pistes de réflexions quant aux opportunités possibles pour la sécurité des populations humaines fréquentant les zones côtières.
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Des conflits fréquents mais pas inévitables
Or, les interactions entre l’homme et la faune aquatique sont devenues plus fréquentes et complexes, menaçant pareillement la biodiversité naturelle et la sécurité humaine. L’exemple des interactions entre l’homme et le requin en Nouvelle-Calédonie met en lumière ces défis : abattre ou protéger, telle est la question. Outre l’apport d’une réponse toute faite, l’étude commence par rappeler le rôle essentiel du requin en tant que « sentinelles de l’écosystème et icônes culturelles » dans un cadre de la culture du Pacifique.
Dans cette logique, la perception contrastée des requins dans ces cultures, met en lumière la révérence et le respect qu’ils reçoivent dans de nombreuses sociétés du Pacifique, par opposition à la peur prédominante dans la culture occidentale. La comparaison des attitudes culturelles envers les requins souligne l’importance de comprendre le contexte culturel dans lequel les interactions homme-requin se produisent. Cela induit ainsi des réponses des autorités publiques bien différentes selon les territoires : dans le premier cas, les mesures de conservation vont être privilégiées, dans le second, la sécurité humaine est garantie, au détriment des données écologiques et sociologiques.
Alors, quelle solution face au problème puisque chacune des motivations semble défendable ? De nombreuses recherches ont été menées depuis plus de trente ans sur les méthodes visant à réduire les risques de rencontres « négatives » entre humains et requins. Cette étude fourni un tableau qui énumère les stratégies de gestion du risque en distinguant une réponse « létale » et une autre « non-létale ». Si ce tableau ne représente qu’une liste exhaustive de la diversité des options disponibles, cette étude met en avant la nécessité de poursuivre la recherche, notamment dans le domaine technologique, pour apporter des solutions pérennes.
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Un point commun : la nécessité de continuer la recherche sur les requins
Bien que ce rapport n’ait pas vocation à apporter de jugement ou une réponse toute faite pour nos politiques, elle incite tout de même à réfléchir à nos perceptions. En effet, il montre qu’il persiste des lacunes dans la compréhension du comportement et de la biologie des requins, ainsi que dans la reconnaissance profonde des rencontres négatives entre homme et requin. Un frein de taille pour envisager des mesures adéquates.
L’analyse souligne également l’opportunité manquée en matière de collecte de données biologiques et écologiques lors de la mise en œuvre de stratégies de gestion des risques liés aux requins. Elle cite l’exemple des programmes de contrôle des requins à Hawaï entre 1959 et 1976, qui ont fourni des informations cruciales malgré un succès limité dans la réduction des attaques. L’utilisation de technologies de pointe telles que le marquage électronique, les méthodes génétiques et les caméras sous-marines peut permettre de collecter des données supplémentaires sur les populations de requins, ce qui contribuera à une meilleure compréhension des interactions homme-requin et à l’optimisation des stratégies de gestion.
En outre, la dernière partie du rapport met en lumière l’importance de prendre en compte la dimension humaine dans les interactions homme-requin, en soulignant le rôle crucial de l’éducation et de la communication pour promouvoir une compréhension informée au sein de la population. Les programmes de gestion des requins, tels que ceux mis en œuvre en Nouvelle-Galles du Sud – Australie -, démontrent les avantages d’une approche intégrée qui tient compte des perceptions sociales changeantes et qui est ouverte à l’intégration de nouvelles données au fil du temps. En fin de compte, ces programmes reconnaissent la nécessité de favoriser la coexistence entre les humains et les requins est essentiel pour le bénéfice des deux parties.
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