Quand le vent revient sur la Grande Terre ou les Îles, c’est souvent l’occasion d’apercevoir des voiles se lever un peu partout sur le lagon. Les saisons s’enchaînent et les alizés et coups d’ouest ne sont jamais très loin. Tant est si bien que la Nouvelle-Calédonie est connue pour être un repère de champions et de championnes de sports nautiques incluant une voile. Océane Lescadieu est l’une d’entre eux. Passionnée de sports en général, aussi à l’aise avec un club de golf qu’avec un gréement de planche à voile dans les mains, Océane est entrée très tôt dans le monde de la compétition de windsurf. Avec un prénom comme le sien, difficile de rester loin de l’océan. Passion et profession se mêlent dans ses réponses aux questions de la rédac…

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Bonjour Océane et bienvenue sur NeOcean. Peux-tu te présenter ton parcours de windsurf à nos lecteurs ? Qu’en est-il de ta carrière professionnelle ?

Salut NeOcean, très sympa de venir à ma rencontre ! Je m’appelle Océane, j’ai 27 ans. Je pratique la planche à voile – le windsurf – depuis que j’ai l’âge de 12-13 ans. C’est un peu « à cause » ou « grâce à » mon grand frère que je m’y suis mise. Je le suivais dans toutes ses activités – à son plus grand désespoir – et quand il s’est mis à la planche, je l’ai suivi. Je n’ai jamais arrêté ce sport depuis. Nous nous sommes entrainés ensemble quand j’ai repris après mes études. Il a été un pilier dans ma carrière professionnelle.

Au niveau compétition, c’est arrivé assez vite finalement. J’ai eu la chance de progresser rapidement et en moins de deux ans, j’étais déjà sur des championnats de France. Il y avait déjà énormément de compétitions en Nouvelle-Calédonie, presque tous les week-ends. Tout s’est enchainé très vite pour moi, les tours en dehors de la Calédonie, en France, en Polynésie ou en Europe. Les portes du Tour Pro se sont ouvertes quand j’ai eu 18 ans et j’ai pas mal enchainé alors.

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Une carrière pro qui a commencé très jeune… © CARTER / PwaworldTour

Pour entrer sur un circuit pro une première fois, il faut être capable de justifier d’un certain niveau. C’est cette première inscription qui va professionnaliser la pratique quelque part. Malgré tout, j’ai fait le choix de faire passer mes études avant le sport à haut niveau. Je me faisais un point d’honneur à avoir mes diplômes. Je pense que mes parents n’auraient pas du tout apprécié que j’arrête tout après mon bac pour devenir professionnelle !

De ce fait, j’ai suivi une licence de SVT, spécialisée en sciences de l’environnement, avec pour objectif final de travailler en biologie marine. Ça ne s’est pas totalement passé comme prévu, si bien que je suis restée en Calédonie après ma licence. Au moment du COVID, je me suis réorientée pour devenir professeure d’EPS et j’ai obtenu mon master l’année dernière !

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Est-ce plus difficile pour une femme pour être professionnelle ? As-tu des conseils à donner à des jeunes filles qui voudraient en faire de même ? Quels sont tes prochains défis sportifs ?

Franchement, en planche, être une femme, ce n’est vraiment pas facile ! J’ai plusieurs personnes qui pourraient en témoigner. Sur le tour mondial, nous avons entendu des propos misogynes et vraiment dénigrants de la part des certains hommes. J’ai pas mal d’exemples de phrases qu’on a pu nous lancer à la figure : « votre price money ne vous sert à rien à vous les femmes, vous nous volez ! » ; « vous ne méritez pas d’être payée » ; « Avec vos résultats vous devriez nous redonner vos prix » ; « vous navez pas le niveau, vous faites ça pour le fun alors que nous cest notre métier » ; « vous ne nous arrivez pas à la cheville » et j’en passe…

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Des vagues et du vent : du plaisir à l’état pur pour Océane ! © Riders.nc

C’est totalement bête ! Nous aussi nous nous levons à 4h du matin pour aller nous entraîner, nous aussi nous faisons des sacrifices, nous aussi nous avons des frais de déplacement et nous aussi nous voulons nous surpasser… Physiologiquement, c’est sûr qu’on ne peut pas rivaliser au niveau du ratio poids et vitesse. Mais à l’époque, quand je suis arrivée sur le Tour Pro, le niveau féminin a augmenté d’un coup et les femmes réalisaient de super résultats ! Techniquement, le niveau a beaucoup progressé et les filles ne déméritent pas à être regardées ! On ne s’est pas laissé faire et d’ailleurs, les femmes aujourd’hui continuent à ne pas se laisser faire. Les lignes commencent à bouger, les mentalités évoluent enfin.

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Ca semble facile comme ça ! © Océane Lescadieu

Si je devais prodiguer un conseil à n’importe qui aujourd’hui, ce serait de prendre le maximum de sensation et d’aller les chercher ! Au début, c’est vraiment dur de commencer la planche à voile… C’est beaucoup de chutes, des maux partout dans le corps après les entraînements ! Mais il faut continuer et, comme on le dit en équitation, il faut remonter à cheval direct. Quel que soit le niveau que tu as en planche à voile, la chute fait partie de l’équation. Il faut persévérer. Parce que le sport en vaut la chandelle, notamment au niveau des images et des sensations. C’est ce qui est le plus magique, pouvoir glisser dans des endroits de fou !

Par exemple, j’ai adoré une étape au Portugal. Il y avait un vent dantesque, quarante à quarante-cinq nœuds de vent tous les jours. J’adore ces conditions, c’est là que je me sens le mieux : vitesse et vagues ! Un très chouette spot. J’ai eu beaucoup de belles sensations au Danemark et en Afrique du Sud. Il y a un charme particulier qui s’y dégage pour naviguer. Sans oublier Raiatea en Polynésie… Les couleurs te prennent aux tripes, c’est difficile de ne pas être subjuguer pas l’ambiance, l’endroit, les gens… Puis, bien sûr, la maison : mon « home spot » c’est Poé, que je connais par cœur.

Mon prochain défi sportif ? J’en ai plein ! Déjà, reprendre le windsurf plus régulièrement et plus spontanément. Au-delà de ça, je me suis lancé de nombreux challenges : je me suis mise au squash en compétition, je fais de la régate toutes les semaines au CNC avec l’équipage de Guilty Pleasures. On projette peut-être de dépasser les frontières calédoniennes donc c’est beaucoup d’entrainements et d’investissement. J’ai une vie à mille à l’heure ! J’ai les entraînements fitness au F45 aussi, je suis prof de yoga, je me suis mise au golf… Je suis plus ouverte à découvrir d’autres sports et à essayer d’autres pratiques depuis que je ne suis plus que sur la planche à voile. En tant que sportif de haut niveau, on craint toujours de se blesser et de ne pas pouvoir faire une des étapes donc on se laisse moins l’opportunité de faire autre chose…

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Avec un prénom comme le tien, je suis sûre que l’océan est une histoire de famille ! Parle-nous de ce lien que tu as avec l’eau ?

C’est clair qu’avec le prénom que j’ai, je ne pouvais pas ne pas aimer l’océan. De plus, ma sœur s’appelle Marine donc je pense clairement que c’est de famille. Mon rapport à la mer et au lagon est assez particulier. Pour moi, c’est un équilibre. Le seul fait de plonger dans l’eau, on sent son corps se rééquilibrer avec son esprit. Tout s’aligne en quelque sorte.

On se réaligne le corps et l’esprit aussi en dehors de l’eau ! © Océane Lescadieu

La nature a tant à nous apprendre et à nous offrir, particulièrement en Calédonie. On a un environnement qui est incroyable et qui reste à découvrir pour qui est assez curieux ! La semaine passée, j’ai découvert un nouveau spot et je suis sûre que je vais aller naviguer par là-bas prochainement.

C’est ça qui est exceptionnel avec la mer aussi, c’est un univers qui donne des souvenirs spéciaux. On est beaucoup à pratiquer un sport nautique mais ce qui se passe à l’intérieur de chacun, est unique. C’est ce sentiment intérieur qui me touche et dont je ne peux pas me passer ! Allez sur l’eau, essayez, pratiquez ! C’est ça l’important.

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