Trois ans d’actions, une nouvelle brochure, et bientôt un message porté à l’international. Ce matin, la rédac’ s’est rendue au Sénat Coutumier afin d’assister à une présentation du groupe de travail “Vision Kanak de l’Océan” (VKO), concernant les avancées, actions marquantes et nouvelles perspectives à venir. À quelques semaines de la troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC3), qui se tiendra à Nice du 9 au 13 juin, la voix des coutumiers s’apprête à traverser les océans pour y affirmer une vision du monde où l’homme et la mer ne font qu’un.
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Des racines et des visions
Pour débuter cette rencontre, nous avons été chaleureusement accueillis par Sénateur Yvon Kona, qui nous a rappelé les fondations profondes du projet VKO ; une vision millénaire du lien entre les peuples kanak et l’océan, forgée au fil de trois mille ans de pratiques, de savoirs et de spiritualité. Loin d’être une simple démarche symbolique, VKO est un véritable projet structuré, soutenu par le Sénat Coutumier et les huit aires coutumières, en partenariat avec Conservation International, la Blue Nature Alliance et plusieurs autres acteurs.
Depuis son lancement en 2022, cette initiative permet un travail de formalisation d’une vision partagée de l’océan, à la croisée des traditions et des enjeux contemporains.

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La mer est notre mère
Au cœur de la vision kanak, l’océan n’est pas un simple espace à protéger, il est vivant, sacré, porteur d’identités et de responsabilités.
“La vision holistique n’est pas propre au monde kanak. Elle est présente dans plein de culture autochtone dans le monde. Elle est définie par le fait de ne pas se dissocier de la nature. C’est-à-dire que nous sommes tous un élément, comme un arbre, un poisson, un oiseau et il y a tout un ensemble de règles, une panoplie de façons d’être, qui encadrent cette relation. » – Aïlé Tikouré, référent du conseil coutumier Drubéa-Kapüme
Dans cette vision holistique, l’être humain n’est pas au-dessus de la nature, mais une de ses composantes. L’océan relie la terre, le ciel, les esprits et les ancêtres. Il est à la fois garde-manger, école, lieu de transmission et chemin spirituel.

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Des vagues d’avancées
Depuis trois ans, les actions se sont multipliées, et les résultats sont présents. Les référents coutumiers participent désormais à tous les comités consultatifs du Parc naturel de la mer de Corail. Ils ont joué un rôle clé dans la décision de placer 10 % de la surface du parc sous forte protection, en s’appuyant sur des critères autant écologiques que culturels, comme les monts sous-marins, considérés comme des lieux sacrés.
Autre victoire, le moratoire sur l’exploitation des grands fonds marins, récemment adopté pour une durée de cinquante ans. Enfin, le parc porte désormais un nom en langue kanak : Nèkwiè pûû möru, une reconnaissance symboliquement forte de la place de la culture kanak dans la gestion des espaces marins.
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De La Foa à Vancouver
Les membres du projet VKO ne se contentent pas de réunions. Sur le terrain, les ateliers participatifs, les missions scientifiques et les échanges avec les conseils coutumiers se multiplient. Du 6 au 8 mai dernier à La Foa, un atelier a réuni une trentaine de participants pour faire le point sur les actions en cours.
Les représentants contribuent également à des recherches scientifiques, participent à des ouvrages, interviennent dans les médias et portent leur voix dans les colloques internationaux, de la Polynésie à Vancouver en passant par Hawaï et l’île de Pâques.
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La pédagogie en action
Pour mieux faire connaître cette vision au grand public, une brochure de vulgarisation illustrée est sortie ce 21 mai. Tirée à mille exemplaires, elle sera diffusée gratuitement en version papier et numérique. Un outil pédagogique précieux pour sensibiliser largement à cette approche unique, à la fois ancrée et ouverte sur le monde.

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Nice to sea you
En juin, trois représentants du groupe VKO dont deux coutumiers, s’envoleront pour Nice, à l’occasion de UNOC3. L’objectif sera de porter la voix kanak dans les discussions internationales sur la protection des merset des peuples qui en dépendent. Avec un message simple mais puissant, qui dit que la préservation de l’océan ne peut se faire sans intégrer les savoirs autochtones et leur lien sacré à la nature.
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L’avenir en bleu
Alors que le monde fait face à une crise environnementale sans précédent, VKO propose un cadre d’action positif, fédérateur, où la nature est perçue non pas comme une ressource à exploiter, mais comme un parent à respecter. Un regard précieux, enraciné dans une culture millénaire, mais résolument tourné vers l’avenir.
EI VE KAU. Merci !

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