Il n’y a pas si longtemps, dans une galaxie marine pas si lointaine, se déroulait une bataille silencieuse sous la surface turquoise de notre beau lagon calédonien. Dans la veine des Jedi affrontant les Sith, nos récifs coralliens mènent une guerre contre une menace qui pèse sur eux : les étoiles de mer acanthaster.

Alors que les coraux veillent sur l’équilibre dans la galaxie, les Jedi chercheurs écologues scrutent les profondeurs pour comprendre le rôle de cette étoile de mer épineuse dans l’équilibre délicat de l’écosystème marin. Accrochez-vous, notre voyage nous propulse dans une aventure galactique sous-marine où la science et la nature se rencontrent dans une bataille épique pour la préservation des récifs coralliens.

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Qui s’y frotte, s’y pique… © Denis Ader

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La menace fantôme

L’acanthaster est une étoile de mer à l’apparence épineuse. Native de l’Indo-Pacifique, celle qu’on appelle la « couronne d’épines » se trouve principalement sur les récifs entre cinq à trente mètres de profondeur. Sa voracité en fait le Dark Maul des récifs coralliens… Cette étoile corallivore est l’un des prédateurs de coraux les plus efficaces qui existent. Mobile, elle se déplace sur plusieurs centaines de mètres par jour pour trouver de quoi se nourrir. 

Les acanthasters se développent majoritairement dans les eaux tropicales et subtropicales et sont particulièrement présentes chez nos voisins australiens depuis, au moins, 8000 ans. Du fait d’une maturité sexuelle précoce – deux ans en moyenne -, les acanthasters connaissent une croissance très rapide de leur population. On parle de 100 millions d’œufs pour une seule femelle… De ce fait, malgré quelques prédateurs, leur prédation reste – très – anecdotique quand elles prolifèrent.

La Grande barrière de corail en est la preuve. Les Australiens sont sous l’emprise du côté obscur et subissent des infestations de grande ampleur. Tant et si bien que le gouvernement australien prévoit aujourd’hui un plan de quinze millions de dollars pour lutter contre leur prolifération. Pendant longtemps, si la Nouvelle-Calédonie pensait être épargnée par ce phénomène, quelques observations des fonds ont montré qu’il n’en était rien… Notre beau Caillou est touché lui aussi par l’attaque de cette étoile – de la mort ! 

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L’attaque des clones 

Dans notre galaxie lagunaire calédonienne, des acanthasters ont donc été repérées et étudiées pendant plusieurs années. Mais la Résistance s’organise… Depuis les années 1980, les populations d’étoiles ont connu des flambées périodiques, avec des pics observés dans les années 2010. Ces infestations répétées ont causé des dommages considérables aux récifs coralliens de la région, menaçant la biodiversité marine

« Sur des îlots où nous avons observé une prolifération d’acanthasters comme à Redika, la couverture corallienne est passée d’environ 80% à 1 ou 2% en six mois ! On ne parle pas d’un phénomène anodin… »

Pascal Dumas, THE maître Yoda local de l’étude des acanthasters
© WWF

Si la Nouvelle-Calédonie connait des épisodes plus éphémères et à moindre échelle que chez nos voisins, il n’en reste pas moins que les coraux restent soumis à cette attaque. Outre des facteurs naturels d’une « love life » longue et pérenne des acanthasters, quelques causes anthropiques expliquent leur prolifération dans nos eaux. Aucune surprise, elles sont l’œuvre du réchauffement des eaux, de la dégradation des littoraux ou encore de la surpêche qui favorisent leur implantation et développement.

« On peut citer le réchauffement des eaux de surface à certaines périodes mais globalement, l’origine des proliférations est encore mal connue. C’est d’ailleurs pour ça que des programmes ont été lancés et sont en voie de l’être à nouveau ! Il n’y a pas que du négatif à leur présence dans notre lagon : les acanthasters jouent aussi un rôle écologique positif… Il nous reste beaucoup de choses à apprendre. »

Maitre Yoda-Dumas et l’équilibre des forces 

Face à cette menace intra-lagunaire, nos scientifiques Jedi s’arment de leur microscope pour étudier et comprendre ce phénomène. Depuis 2015, l’IRD a mis en place le projet OREANET, un réseau de surveillance opérationnel des proliférations des acanthasters à l’échelle du Pacifique. Cette surveillance, qui s’appuie sur un suivi citoyen et professionnel, a permis de d’accroitre le nombre d’observations ainsi que de localiser des foyers de prolifération. Mis en sommeil à l’arrivée de la COVID, le retour des Jedi s’annonce très bientôt… 

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Une belle couronne d’épines pour ce corail dont il se passerait bien… © Pascal Dumas

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Le retour des Jedi 

En effet, le réveil de la force plane sous l’eau. De nombreux pays ont fait le choix de la Résistance face à la prolifération des acanthasters et les scientifiques de Calédonie tentent de faire de même. Quelle meilleure arme que la science pour fournir des outils de gestion qualitatifs et adaptés à notre lagon ? L’IRD a décidé de relancer le programme OREANET et compte sur le suivi citoyen pour localiser ces menaces… 

Car ce réseau d’observation est puissant et a fait ses preuves. En 2018, 15 000 individus par hectare avaient été comptabilisés à l’îlot Redika, mettant en exergue la nécessité de prévoir des plans de gestion concrets. Car si les coraux ne représentent que 1% de la surface des océans, ils abritent un quart de la biodiversité océanique mondiale. Et selon certaines études, il faudrait plusieurs dizaines d’années pour qu’un récif revienne à « la normale ». Et comme le dit Yoda « un Jedi utilise la force pour la connaissance et la défense, jamais pour l’attaque ».  

Car outre leur rôle destructeur, les acanthasters sont aussi des alliées de nos fonds lagunaires quand leur nombre est limité. En effet, ces étoiles de mer jouent le rôle de « jardiniers » du lagon en venant libérer de la place aux coraux à croissance lente. Comme des gardiens de l’équilibre de la Force, elles régulent les populations de coraux, favorisant ainsi la diversité et la résilience de l’écosystème marin. Comprendre leur rôle est donc crucial pour préserver la santé des récifs.

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L’ascension d’OREANET 

Ainsi, le site OREANET reprend du service ! Outre la surveillance et la possibilité de localiser des acanthasters sur une carte, ce programme a pour objectif de prouver que ces infestations ont un impact néfaste sur les récifs calédoniens. Étudier ces étoiles permettrait non seulement une meilleure connaissance de cette espèce mais aussi de trouver les moyens de limiter son noir dessein… Cette fois, ce sont les Jedi qui contre-attaque ! 

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