Épisode 12 – Le Platysomus parvulus
Dans l’univers terrestre des super-héros, Spiderman tisse des toiles, Sue Storm est invisible et Flash est plus rapide que l’éclair. Mais les océans abritent, eux aussi, une ligue secrète de super-animaux marins, chacun doté de pouvoirs plus étonnants les uns que les autres. Rejoignez les rangs de la Ligue marine extraordinaire, où la pieuvre défie les lois de la physique, le poisson-lune joue de la bioluminescence et où les étoiles de mer se régénèrent sans fin…
L’heure de gloire est terminée pour le crabe-violoniste, que l’on vous présentait dans l’épisode précédent. Aujourd’hui, cap sur un super-héros qui vient de très, très loin dans le temps. Un poisson minuscule, vieux de 310 millions d’années, qui se baladait dans les mers d’une ère ancestrale, et portant le nom de « Platysomus parvulus ». Derrière son allure discrète, se cachait pourtant une innovation redoutable, une “morsure de langue”, une sorte de seconde mâchoire interne capable de broyer coquillages et proies coriaces. Une arme qui lui donne, à nous autres lecteurs modernes, des petits airs de cousin marin de Venom…
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Le revenant des profondeurs du temps
Il était une fois… un poisson qui nageait déjà dans les mers il y a 310 millions d’années, bien avant les dinosaures, avant même que les premiers reptiles ne s’aventurent sur terre. C’est le cas de Platysomus parvulus, un petit actinoptérygien (poisson à nageoires rayonnées) découvert récemment en Angleterre. Fossilisé dans les sédiments du Staffordshire, il a été étudié grâce à une microtomographie haute résolution qui a permis de reconstituer en 3D son anatomie interne. Grâce à ce travail, les paléontologues ont mis au jour un secret bien gardé, une seconde mâchoire interne, la plus ancienne jamais identifiée chez un poisson.
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Une bouche peut en cacher une autre

Jusqu’ici, on connaissait les poissons à mâchoire classique, et plus tard, ceux capables de broyer avec des dents palatines (logées sur le palais). Mais Platysomus parvulus jouait déjà dans une autre catégorie. Dans sa bouche, il possédait des plaques dentaires disposées à la fois sur le palais et sur le squelette branchial, formant un système de broyage unique. En gros, il avait inventé la « morsure de langue », une sorte de mâchoire interne capable de maintenir, écraser et déchiqueter des proies coriaces comme des coquillages.
Un broyeur secret, caché derrière un sourire préhistorique, ça vous rappelle quelqu’un ? Venom bien sûr ! Avec cette bouche équipée comme un arsenal, Platysomus n’est pas sans évoquer le super-héros Marvel à la mâchoire monstrueuse. Tous les deux se partagent ce sympathique super-pouvoir, celui de broyer leurs proies sans leur laisser la moindre chance.

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La hantise des dentistes

Si ce poisson a développé une telle stratégie, ce n’est pas un hasard. Il vivait peu après l’extinction massive du Dévonien, il y a 360 millions d’années, qui avait balayé près de 75 % de la vie marine. Dans ce monde vidé de ses anciens habitants, les poissons ont dû innover rapidement pour survivre. Certains ont allongé leurs nageoires, d’autres ont modifié leurs corps. Notre cher Platysomus parvulus, lui, a mis au point une bouche capable de s’attaquer à des proies qu’aucun autre poisson de son époque n’aurait pu avaler. Il faut aussi souligner l’exploit technique, une plaque inférieure complexe, une plaque supérieure plus fine, chacune garnie d’une rangée de dents pointues, un véritable dispositif. L’évolution lui a permis de produire un mécanisme révolutionnaire, qui allait transformer pour toujours la façon dont les poissons se nourrissaient.
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Héritage préhistorique
Avec ses deux mâchoires, Platysomus parvulus n’avait rien d’un poisson banal. Ce pionnier du Carbonifère a prouvé que la nature, parfois, sait jouer les inventeurs de génie. Bien avant l’apparition des requins modernes ou des poissonsque nous connaissons aujourd’hui, lui, avait déjà trouvé la solution pour attaquer ses proies.
Alors il ne croise peut-être pas Spiderman ou Aquaman, mais avec sa morsure de langue, il aurait pu faire pâlir Venom. Les super-pouvoirs ne seraient-ils pas sortis des profondeurs du temps, plutôt que de l’imagination des comics ?
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