Ce jeudi 10 avril, la rédac’ était présente à la quatrième soirée des Doc’Ocean, organisée par le programme PEW Ocean Legacy, en collaboration avec le Parc Naturel de la Mer de Corail. Nous avons assisté à la projection du deuxième épisode de la série “Mer de Corail, trésors et convoitises”, réalisé par Emilie Baptiste, produit par Zealandia Production en partenariat avec Nouvelle-Calédonie La 1ère et avec le soutien du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Cette série de six épisodes nous emmène à la découverte du parc, un lieu d’une grande valeur écologique et qui recèle des écosystèmes précieux.

Ils quittent le rivage pour mieux nourrir ceux qui y restent. “Les hommes du large”, nous embarque à bord d’un palangrier calédonien, au plus près des pêcheurs hauturiers. Une immersion sensible dans un métier dur, humain, et pourtant peu connu. Et pour éclairer le tableau, Valérie Allain, docteure en biologie marine et chercheuse en sciences halieutiques à la Communauté du Pacifique (CPS), spécialiste du thon et des écosystèmes marins et membre du comité scientifique du Parc.

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Marins du thonnerre 

Ils passent quinze jours en mer, dorment peu, lancent des lignes à 3 h du matin, et vivent au rythme du poisson. Côtes cassées, hameçons mal placés, solitude des marins-papas : les témoignages résonnent avec force. À bord, pas de place pour la flemme ou les états d’âme. La mer impose son tempo, et les corps doivent suivre.

Seize palangriers sillonnent la Zone Économique Exclusive (ZEE) pour fournir le thon que les Calédoniens dégustent. Une pêche artisanale, vivante, humaine, mais loin d’être simple. Les gestes sont répétitifs et la fatigue constante. Et pourtant, malgré la dureté, les marins y trouvent un souffle de liberté et ne se lassent pas de la mer. Sur le pont, l’entraide est essentielle. Une vraie solidarité se tisse dans cette mini-coloc flottante, où chacun doit pouvoir compter sur l’autre. Derrière les images d’embruns et les témoignages pleins de sel, se dessine une réalité complexe, faite de passion et de résilience.

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Thon sous surveillance

Depuis 11 ans, la pêche hauturière calédonienne est certifiée durable. Derrière ce label, il y a un travail de fond : des observateurs embarquent pour assister à une campagne de pêche et collecter les informations : carnets de bord numériques, espèces pêchées, prises accidentelles, conditions météo, etc. C’est grâce à leurs données que les scientifiques peuvent suivre l’état des stocks, évaluer les impacts environnementaux et affiner les stratégies de gestion. Et ça paye, la ZEE calédonienne fait partie des rares zones 100 % conformes aux règles de la Commission des pêches du Pacifique occidental et central. 

Thon
Bon coup de pêche © Zealandia Prod

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Un thon pour deux

Mais malgré tout, une menace grignote les efforts des marins : la déprédation. Les requins, devenus experts en localisation de lignes de pêche, se servent directement sur l’hameçon. Parfois, ils ne laissent que la tête du thon, proprement sectionnée. En 2023, jusqu’à 40% des prises ont été perdues avant même d’arriver sur le pont.

Valérie assure que c’est un phénomène qu’on observe partout dans le Pacifique, mais ici, il prend des proportions inquiétantes. Les observateurs sont formés pour identifier les traces laissées par les requins et les scientifiques essaient de repérer des tendances : y a-t-il des saisons, des zones plus touchées ? Mais pour l’instant, pas de solution miracle. Et pour les marins, c’est une double peine : plus de travail, moins de rentabilité.

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Le bon thon

Avec une production annuelle de 2400 tonnes, dont 80 % destinée au marché local, la filière hauturière calédonienne joue un rôle clé dans l’alimentation de l’archipel. Pour Valérie, c’est justement cette dimension humaine qui rend la filière unique. Elle rappelle que la Nouvelle-Calédonie est l’un des seuls territoires totalement conforme aux exigences de la commission des pêches. C’est un signal fort en matière de gestion durable.

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Thon cœur à la mer

À bord, pas de hiérarchie pendant le filage. L’ambiance est rude mais fraternelle. Le capitaine connaît tous les postes, le matelot aspire à le devenir. C’est une école de solidarité, de transmission. Un hommage émouvant est rendu aux anciens pêcheurs, passés ou retraités. Ceux qui ont transmis leur passion avec leurs nœuds marins.

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Une soirée qui donne le thon

Grâce à ce documentaire et aux éclairages de Valérie Allain, les hommes du large ne sont plus de simples silhouettes à l’horizon. Ils sont devenus des visages, des voix, et surtout : des passionnés qui vivent (et font vivre) la mer. Alors rendez-vous pour le prochain Doc’Ocean, le 24 avril 2025 au Ciné City. Au programme : “Un moratoire pour lutter contre les convoitises” proposé par l’anthropologue Pierre-Yves Le Meur. On vous laisse, le large nous appelle…

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