Tranquillement assise au bord de la plage, Phoebe, 17 ans, laisse son regard se perdre vers l’horizon. Notre rencontre avec la jeune fille est à son image : détendue et sans prise de tête. A peine avons-nous commencé à discuter que Phoebe ne pense qu’à une chose : naviguer.
On ne peut pas lui en vouloir, les conditions sont parfaites : soleil, eau cristalline et 20 nœuds de vent. Vous l’avez peut-être compris, nous avons affaire à une kitesurfeuse. Ce qui était autrefois un loisir est devenue une passion pour Phoebe puis une carrière sportive prometteuse.
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Phoebe, la glisse dans la peau
Pour comprendre la passion de Phoebe, il faut remonter quelques années en arrière. Elle n’a pas eu une enfance comme les autres : la jeune Française est née au Canada et a quitté la terre ferme pour l’océan à l’âge de huit ans. Ses parents, sa petite sœur et elle ont embarqué sur leur voilier pour un tour du monde en cinq ans. La famille s’est laissé porter par les vagues et a traversé les océans, passé les canaux mythiques, visité des pays emblématiques… avant de tomber amoureuse du Pacifique. Venir jusqu’ici ça se mérite : le voilier a navigué 34 jours en mer, seul au monde.
Alors qu’elle n’a que 11 ans, Phoebe apprend le kitesurf non pas en Nouvelle-Calédonie mais en Polynésie française, avec une école itinérante. Deux ans plus tard, en 2019, la famille décide de mettre le cap sur Nouméa, lorsque le Covid passe par là. Le voilier jette l’ancre à Port Moselle dans l’idée de repartir quelques temps plus tard ; mais finalement, Phoebe et sa famille s’installe sur le Caillou pour le plus grand bonheur de la jeune fille.
C’est ici, sous le soleil des tropiques calédoniens, qu’elle devient mordue de kitesurf. « La météo et les conditions ici sont incroyables ! Il y a beaucoup de jeunes donc c’est très motivant » explique Phoebe. Et chez les Rocher, le kitesurf, c’est une histoire de famille. Ses parents et même sa petite sœur naviguent sur le lagon calédonien. Leur spot préféré ? La pointe Magnin et l’îlot Larégnère.
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Des ailes de compet’
Phoebe a toujours pratiqué le kitesurf par plaisir, sans vraiment penser à en faire son métier mais très vite, elle s’intéresse aux compétitions. « Ça a l’air trop bien, l’ambiance a l’air sympa et tu voyages dans le monde ! » explique-t-elle. Alors aussi simple que ça puisse paraître, elle se lance dans sa première compétition en 2022, après avoir étudié le niveau de ses huit compétitrices. En Espagne, Phoebe attaque directement par les championnats du monde junior et se hisse immédiatement sur le podium, en décrochant la troisième place.
La voilà séduite par le monde de la compétition… elle enchaîne avec la deuxième étape de la coupe du monde quelques temps plus tard et termine quatrième ; une épreuve qui lui permet de se hisser à la troisième place du classement mondial junior ! La classe !
La victoire, elle l’obtient cette même année, sur les championnats de France. « J’ai gagné mon premier championnat de France, c’était trop bien et ça m’a vraiment motivé. Je ne m’attendais pas à faire première parce que je n’avais pas beaucoup d’expériences en compétition » explique Phoebe. Outre la compétition, Phoebe a vraiment trouvé sa place dans ce milieu, nouant des amitiés avec ses concurrentes. « En Calédonie, il n’y a pas trop de filles de mon âge qui font du kitesurf donc ça me permet aussi de faire plus de rencontres. »
En 2023, Phoebe a décroché de nouveaux trophées : elle a remporté une nouvelle fois le championnat de France dans sa catégorie, junior… mais aussi dans la catégorie open adultes pour la première fois, dans des conditions très difficiles de « big air ».
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Sur les bancs de l’école
Quand elle n’est pas sur l’eau, Phoebe est comme toutes les filles de son âge : elle va au lycée. Au CNED pendant cinq lors de son tour du monde, elle a dû retourner en classe une fois à Nouméa. Il n’est pas toujours facile pour elle d’équilibrer les deux… mais en plus d’être douée en sport, Phoebe assure aussi niveau scolarité ; elle est en 1ère spécialité maths, physiques et anglais et quoi qu’il arrive, elle reste lucide sur son avenir et tient à obtenir son baccalauréat et faire des études.
En attendant, elle poursuit ses efforts pour être la meilleure dans sa discipline, ce qui veut dire entraînements en mer – Phoebe est suivi par Nicolas Delmas, coach de l’équipe de France junior – comme sur terre. Quand elle ne navigue pas à la pointe Magnin, elle suit une préparation physique de CrossFit au moins trois fois par semaine. Côté cours, c’est plutôt cool – deux après-midis par semaine sont dédiés à la pratique du kitesurf. Phoebe fait en effet partie de la liste des sportifs de haut niveau du gouvernement français.
A 17 ans, elle ne se voit pas ailleurs que sur l’eau – et surtout pas dans une maison ou un appartement. Elle vit toujours sur le bateau familial et pour aller « kiter », rien ne l’arrête ; elle embarque le matos et saute dans le bus direction la plage. « Je me sens trop bien quand je suis dans l’eau et notre lagon, c’est le plus beau ! » dit-elle. Ce n’est pas le dugong qui a croisé son chemin il y a trois mois, qui dira le contraire…
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