Icône des assiettes calédoniennes, la crevette bleue inspire autant les producteurs que les chefs. À la tête de créations qui célèbrent les saveurs locales, Alphonse Koce, chef cuisinier made in Calédonie, lui offre une place de choix dans sa cuisine. Entre simplicité, audace, tradition et respect du produit, il livre sa vision d’un ingrédient qui raconte à lui seul l’histoire et la richesse du caillou.

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La crevette bleue est un réel emblème du territoire. En tant que chef, qu’est-ce qu’elle représente pour vous, dans votre cuisine et dans votre identité culinaire ? De quelle manière aimez-vous le plus la cuisiner ?

La crevette bleue, c’est un peu le trésor de nos eaux : belle, turquoise et transparente ! Pour moi, elle représente la richesse et la diversité de notre territoire. Sa saveur unique et sa texture délicate ouvrent la porte à une multitude de créations culinaires. J’adore la cuisiner simplement, un filet d’huile d’olive un peu de jus de citron vert et un peu de fleur de sel pour laisser éclater sa saveur naturelle. Une cuisson rapide à la poêle suffit souvent à révéler toute sa saveur. Je la prépare aussi en curry, avec du lait de coco et des juliennes de papaye, pour un plat réconfortant et parfumé. Je la cuisine également parfois en brochette, avec de la figue sauvage de chez nous et une pointe de vinaigre d’agrumes. Mais ce que je préfère, c’est la décliner selon les saisons et les produits locaux. En début de saison, je la marie avec des légumes frais du marché pour une salade vibrante. Plus tard, avec des saveurs automnales comme la citrouille ou la pomme liane ou encore des fleurs, de la fougère et des feuilles sauvage de nos forêts. 

La crevette bleue s’adapte à toutes les envies et à tous les plats. Pour moi, cuisiner la crevette bleue, c’est raconter une histoire, celle de notre territoire et de ses richesses. C’est partager une identité, des traditions et une certaine idée de la convivialité. Chaque plat est une invitation au voyage, à la découverte de nos saveurs et de nos paysages. La crevette bleue, c’est plus qu’un ingrédient, c’est un symbole de fierté et d’appartenance bien de chez nous.

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Quand vous cuisinez la crevette bleue, comment aimez-vous la mettre en valeur ? Est-ce que vous avez des recettes ou des techniques particulières qui, selon vous, révèlent le mieux ses qualités ?

Mettre en valeur la crevette bleue, c’est vraiment une histoire de simplicité et d’équilibre des saveurs. Pour moi, la clé, c’est de laisser parler sa fraîcheur et sa délicatesse tout en ajoutant juste ce qu’il faut d’éléments pour sublimer son goût. Une de mes façons préférées de la préparer, c’est en carpaccio avec des segments de citron vert, du miel, une pointe de sel du nord et de la coriandre. Je la fais mariner dans un mélange de jus de citron vert, d’huile d’olive, d’ail et de coriandre fraîche. Le citron vert ajoute une touche d’acidité qui contraste parfaitement avec la douceur de la crevette et le miel joue de note de symphonie entre chaque élément, tandis que la coriandre apporte une fraîcheur herbacée. C’est léger, raffiné et ça met vraiment en avant la texture et le goût de la crevette. 

Une autre technique que j’adore, c’est la cuisson à la vapeur avec des fleurs d’hibiscus. Ça permet de conserver toute la tendreté de la crevette tout en lui donnant un parfum subtil. Ensuite, je la sers avec une sauce légère à base de beurre citronné ou une émulsion de citron et d’huile d’olive ou encore de la citronnelle au baie rose. C’est une façon de la mettre en valeur sans la surcharger. Je prépare aussi souvent des crevettes bleues sautées avec un peu d’achard de papayes ou de légumes, avec une pointe de gingembre qui apporte une chaleur et une profondeur qui se marient parfaitement avec la douceur de la crevette. Et bien sûr, un peu de coriandre fraîche au dernier moment pour ajouter une note herbacée et de zeste de combawa. Pour moi, la crevette bleue est un ingrédient qui se suffit presque à lui-même, donc je préfère des recettes où elle reste l’ingrédient principal. L’important, c’est de respecter sa saveur naturelle et de l’accompagner avec des éléments qui la mettent en valeur sans la dominer.

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Beaucoup de chefs dans le monde parlent aujourd’hui de produits locaux et d’approches plus durables. Selon vous, qu’est-ce qui rend la crevette bleue unique et pourquoi mérite-t-elle de garder sa place dans les assiettes des Calédoniens, comme à l’international ?

La crevette bleue est effectivement un produit emblématique qui mérite toute notre attention. Ce qui la rend unique, c’est son goût subtil et sa texture délicate, mais aussi son origine. Pêchée dans les eaux cristallines ici chez nous, c’est un privilège je dirais. Elle bénéficie d’un environnement marin exceptionnel qui contribue à sa saveur distinctive. Ce qui la distingue particulièrement, c’est la manière dont elle est pêchée, de façon durable. Les méthodes de pêche locales visent à préserver les écosystèmes marins, ce qui est crucial pour maintenir la biodiversité et assurer la pérennité de cette ressource. En choisissant des produits issus de pratiques responsables, on soutient non seulement la qualité du produit, mais aussi les communautés qui en dépendent.

Sur le plan culinaire, la crevette bleue offre une grande polyvalence. Elle peut être préparée de nombreuses façons tout en conservant son caractère unique, en entrée, dans les préparations froides, en plat chaud, mais aussi en dessert. Sa saveur délicate se prête bien à des préparations simples qui la mettent en valeur, mais elle peut aussi être intégrée dans des plats plus complexes où elle apporte une touche distinctive. Pour moi, sa place dans les assiettes des Calédoniens est non seulement justifiée par son goût, mais aussi par son lien avec le territoire et les traditions locales. Et à l’international (j’ai cuisiné avec à Paris, à Londres, à Dubaï) elle représente une opportunité de découvrir les saveurs uniques de la Nouvelle-Calédonie et la fraîcheur de nos eaux. En promouvant des produits locaux et durables comme la crevette bleue, on valorise non seulement un ingrédient exceptionnel, mais aussi un mode de production respectueux de l’environnement. En partageant ces produits à travers le monde, on peut sensibiliser davantage de gens à l’importance des pratiques durables et à la richesse des patrimoines gastronomiques locaux. La crevette bleue a donc tout à fait sa place dans les assiettes, tant localement qu’à l’échelle internationale, en tant que symbole de qualité et de respect de l’environnement.

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