La semaine dernière, mardi 23 septembre, l’hémicycle du Congrès accueillait un rendez-vous un peu spécial : un retour sur la Conférence des Nations-Unies sur l’océan, l’UNOC. Aux côtés de la présidente Veylma Falaeo, huit intervenants se sont succédé pour dresser un retour d’expérience de leur participation à l’UNOC, en juin dernier. Que retenir de ces deux heures d’échanges animés par Charlotte Ulmann ? 

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Regards croisés sur l’océan, savoirs scientifiques et culturels

Quatre axes de réflexion avaient été imaginés pour cette conversation interactive avec un grand public qui comprenait tout de même quelques connaisseurs : 

  • « Regards croisés sur l’océan : savoirs scientifiques et visions culturelles » 
  • « Gouvernance de l’océan : parité et approche intégrée du genre »
  • « La BlueTech et l’innovation maritime en Nouvelle-Calédonie et dans le Pacifique »
  • « Pollution plastique : un enjeu mondial, mais un sujet calédonien ». 

Premier expert à intervenir, Morgan Mangeas, Directeur de Recherche à l’IRD et Directeur de l’UMR Entropie, a représenté la délégation scientifique qui s’est rendue au « One Ocean Science Congress » (OOSC) et à l’UNOC. Au-delà des multiples défis et des dix principales recommandations scientifiques présentés, c’est la participation de dix scientifiques calédoniens qu’il a particulièrement mise en avant ; encourager les « solutions basées sur la nature », (mieux) comprendre les vagues de chaleur marine mais aussi assurer le suivi de la biodiversité grâce aux technologies d’intelligence artificielle et à l’ADN environnemental ont été au cœur de la présentation de Morgan qui a conclu sa prise de parole par la présentation du projet « Track Changes » au sujet de la « transformation des écosystèmes marins côtiers face aux changements climatiques ». Mieux étudier pour mieux comprendre pour mieux connaître pour mieux décider. CQFD. 

Jean-Yves Poedi, membre coutumier de l’aire Ajïe-Arho et du projet Vision Kanak de l’Océan (VKO) a ensuite pu apporter sa pierre culturelle à l’édifice en présentant l’objectif central de son organisation, créée en 2022 : renforcer l’implication des autorités coutumières dans la gestion du Parc Nature de la Mer de Corail. Au-delà de cette mission largement accompagnée par Conservation International, la « vision kanak de l’océan » est orientée autour de quatre principes : l’océan est sacré, l’océan est source de nourriture et de santé, l’océan fait le lien entre les clans et les peuples du Pacifique, l’océan doit être géré collectivement. Et, après avoir notamment rencontré lors de l’UNOC le président Emmanuel Macron et rappelé que « nous avons également souhaité rappeler qu’il existe une science autochtone, une expertise kanak en matière de gestion des territoires et des espaces marins, qui mérite d’être reconnue et prise en compte dans les processus de gouvernance », Jean-Yves a pu préciser sa pensée : 

« Le message transmis à l’UNOC était clair : exprimer une volonté forte de faire entendre la voix du peuple autochtone kanak et de partager notre approche holistique et multidimensionnelle de la nature et de l’océan en particulier dans lesquels l’être humain est une composante indissociable du vivant » – Jean-Yves Poedie, VKO

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Gouvernance de l’océan, parité et voix des femmes

Après ces interventions et quelques questions du public, ce fut au tour d’Aline Schaffar d’allumer le micro pour présenter « Son odyssée des possibles », une expédition à la voile de quinze jours pour faire dialoguer les femmes d’horizons variés, sensibiliser le public et porter physiquement et symboliquement un plaidoyer pour une gouvernance paritaire et inclusive de l’océan. L’occasion pour la jeune femme de tirer un bilan de cette fille-expérience, avec poésie et émotions : 

« Pendant 5 jours intenses, nous avons partagé la vie d’équipage sur un voilier. Apprendre et tester nos compétences de navigatrices, assumer les tâches quotidiennes et la vie collective, affronter les éléments naturels et même parfois être contraintes à rester à quai. Mais la vie à bord m’a surtout permis de découvrir notre force collective : huit femmes réunies autour d’une même cause, capables de transformer les difficultés en opportunités, les différences en richesses. » – Aline Schaffar, cheffe de projet PEW Bertarelli Ocean Legacy. 

Le discours de Véronique Mollot, fondatrice et présidente du Comité 3e et Directrice de VM Equality détonait de combativité avec, au cœur des propos, une hypothèse : l’éducation et l’égalité sont les catalyseurs d’une transition écologique inclusive et durable. Elle a ainsi pu présenter « son » Parcours Éducatif Mer et les dispositifs et séminaires déclinés de cette vision, avant de partager, notamment, une statistique éloquente : 80% des personnes déplacées par les effets du changement climatique sont des femmes – et une promesse pour l’avenir : « une vie et un océan à l’abri des violences en renforçant les cadres normatifs, juridiques, tout en sensibilisant et en responsabilisant les populations et en préparant une génération qui transforme ces paradoxes en leviers ». Vagues de féminités bleues à prévoir. 

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L’innovation technologique au service des océans

Notre fondateur, membre de la French Tech NC, Guillaume Terrien, était également l’organisateur d’une conférence intitulée « Océan d’innovations, territoires de solutions » avec nos voisins Polynésiens a ensuite pu présenter une vision résolument « tech » au service de la connaissance et de la protection des océans. Économies bleues calédoniennes et polynésiennes, data au service de l’océan et startups innovantes ont été les principales thématiques abordées lors de l’UNOC, au cœur même d’une Baleine. Une séquence qui a trouvé un écho quelques jours plus tard sur le Village Pacific Tech, au cœur du plus grand salon international de la « tech », Viva Technology. 

« A l’instar des autres intervenants présents ce jour, je souhaite également poser un constat – les technologies sont des outils au service des êtres humains – et partager une vision – l’innovation technologique est un formidable levier de connaissances, de protection et de conception de l’avenir de notre monde et de nos océans. Ne nous y trompons pas : la BlueTech n’est pas un gadget mais un réservoir de créativité entrepreneuriale au service de notre futur ! » – Guillaume Terrien, fondateur de NeOcean. 

Et Lionel Loubersac, fondateur du CMNC et secrétaire adjoint de la FTNC, de concrétiser cette vision en présentant un « Annuaire des solutions BlueTech du Pacifique » exposant pas moins de 45 fiches de projets BlueTech calédoniens. Fort de cet outil, Lionel a précisément répondu à une question – pourquoi la Nouvelle-Calédonie est un territoire de Blue Tech ? – tout en présentant une ambition : faire du Caillou le territoire leader en matière de BlueTech dans le Pacifique Sud « grâce à notre laboratoire grandeur nature ». En guise de conclusion, l’ancien directeur de l’Ifremer a mis en garde : 

« Ces événements, l’UNOC et le RDV de ce soir, sont l’opportunité de présenter les solutions, d’échanger avec les publics mais ne perdons pas de vue qu’il faut que les décisionnaires suivent, soutiennent et accompagnent ce mouvement ! » – Lionel Loubersac, activiste pour l’océan. 

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Le plastique, c’est pas chic ! 

« Activisme » toujours avec la présentation de Damien Roine, chargé de mission pour l’AFD en Nouvelle-Calédonie qui a présenté les enjeux de l’organisation autour de la pollution plastique : développer une meilleure gestion des déchets terrestres et marins, le tout illustré par des projets concrets menés à travers le monde. L’occasion également de partager les chiffres clés autour de « The Clean Oceans Initiative – Fighting pollution & protecting the seas » et l’annonce faite à l’UNOC : la deuxième phase de l’initiative est lancée avec 3 milliards d’euros supplémentaires mobilisés entre 2026 et 2030. 

Honneur de la conclusion avec Madame la Présidente qui a ensuite pris la parole pour partager son retour d’expérience de son déplacement à l’UNOC au gré de ses rencontres institutionnelles et de ses échanges avec les parties prenantes, scientifiques, politiques et privés. Le sujet de la pollution « plastique » mondiale a été longuement abordé au cours de ces temps forts et s’est joint au sujet de la législation « plastique » en Nouvelle-Calédonie, avec entre autres, une Loi Pays qui a pris un peu de retard et doit être prochainement replacée au centre des discussions. 

« Au nom du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, je remercie encore nos invités, nos partenaires et chacune et chacun d’entre vous : il faut continuer à vivre ces échanges au-delà de cette soirée afin de bâtir une véritable ambition calédonienne pour l’océan » – Veylma Falaeo, Présidente du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. 

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